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La mort de Jean-Guy Boin, figure discrète mais très influente de l’édition française

Avec Jean-Guy Boin, mort le 13 septembre des suites d’un cancer, à l’âge de 73 ans, disparaît un des meilleurs experts des rouages de l’édition française, qu’il a accompagnée dans son essor et ses mutations pendant plus de quatre décennies. « Il connaissait le fonctionnement de l’édition et de la librairie, mieux que n’importe qui », souligne l’éditrice Liana Levi, qui l’avait fait nommer, en décembre 2000, à la tête de l’organisme chargé d’assurer la promotion du livre français à l’international.
Ayant pris sa retraite en 2018, il était resté actif avec ses deux plus fidèles compères, François Gèze, directeur de La Découverte, décédé brutalement en août 2023, et Henri Causse, le bras droit de Jérôme Lindon (puis de sa fille Irène) aux Editions de Minuit, décédé mi-juillet, avec lequel il avait créé en décembre 1988 l’Association pour le développement de la librairie de création. Ces trois hommes, dont les convictions les classaient à gauche, ont durablement marqué l’édition, un milieu pourtant conservateur. Ils ont été les ardents promoteurs de la loi Lang de 1981 sur le prix unique du livre, dont les effets se font sentir jusqu’à nos jours.
Si le livre n’est pas une marchandise comme les autres, c’est parce que son économie repose sur la péréquation (les livres à succès financent les autres) et sur un réseau diversifié de distribution (les librairies). Présent le 4 septembre, à la remise du prix littéraire du Monde, sa dernière sortie publique, il avait proposé au journal une tribune sur l’opacité des chiffres de ventes fournis aux auteurs, mais le sort en a décidé autrement.
Rien ne prédisposait pourtant Jean-Guy Boin à devenir ce personnage-clé de l’édition française. Né à Tananarive (actuelle Antananarivo), à Madagascar, le 6 janvier 1951, car son père militaire – qui terminera sa carrière général de gendarmerie – était affecté dans cette île de l’océan Indien, alors colonie française, il poursuit ses études à la Martinique, avant d’être interne à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Devenu étudiant, dans l’effervescence de Mai 68 et en opposition à son milieu familial, il amorce un fort engagement militant chez les maos, distribue La Cause du peuple en compagnie de Michel Foucault et s’éloigne de la Gauche prolétarienne avant son autodissolution, en novembre 1973.
A cette époque, pour vivre, il exerce plusieurs métiers et devient entre autres chauffeur d’une femme qu’il conduisait dans Paris en Fiat 500, ce qui lui permit de connaître la capitale comme sa poche. En parallèle, il poursuit des études de droit à Assas, dont il sera viré, puis d’économie à l’université Paris-I et achève ses études par un troisième cycle de sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.
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